Critique et littérature
Elle m'a quitté de Ulrich GOUBALI vu par Brice AHOSSA
Les lignes qui suivront sont le fruit d’une analyse minutieuse faite de la pièce théâtrale Elle m’a quitté de Ulrich Goubali parue aux Editions ‘’Lucioles Edition’’ (Parakou, Bénin, 2024). Avant tout propos, nous voudrions dire merci à M. Nandi Michel pour son point de vue sur l’ouvrage, qui nous a donné l’engouement d’aller le lire. Pas besoin de rappeler que les mots suivants sont dans une objectivité absolue, et puisqu’il n’y a pas d’objectivité commune, nous prierons toutes ces personnes ayant d’autres points de vue d’être tolérantes, du moins, à la mesure de leur discipline d’émotions.
Après lecture du texte, nous félicitons l’auteur pour les efforts consentis dans le cadre de ce projet. Quand on connait les implications, les énergies, les nuits blanches qui entrent en jeu dans le cadre d’un projet d’écriture, on ne se retrouve que dans une contrainte contraignante de reconnaitre les efforts peu importe son point de vue. L’honnêteté scientifique nous y oblige d’ailleurs. Les efforts sont remarquables, déjà par le respect de certaines exigences du genre qui semble aussi banal que complexe. Même si nous ne sommes pas expert, les cours à nous donnés par Dr HOUNZANDJI en ‘’analyse du texte théâtral’’ et l’histoire de l’évolution du théâtre négro-africain de l’enseignant Dr ADJAGBO (SOKAME ; Un mariage au Dahomey), le tout ajouté à notre modeste culture, nous permettent d’arriver à ces conclusions.
L’auteur aurait manqué d’un grand sérieux en omettant certains éléments cruciaux du genre. Ce qui n’a pas été du tout le cas, du moins, en parcourant le livre de façon volatilisée. Un grand effort est constaté par le fait qu’il s’est exprimé uniquement à travers les paroles des personnages de son texte et n’est jamais intervenu de façon directe dans les dialogues. On arrive à distinguer les noms des personnages dans le texte (Vidaho, Dokounnon, Yabo…) et les paroles prononcées par ces derniers avec la présence des didascalies (même si elles sont très récurrentes et fastidieuses) « VIDAHO: (horrifié) Quoi ? Tu as envoûté maman ? Tu l’as trahie de cette façon ? » P.54. Le récit ne donne pas envie d’aller au bout, et ne voulant pas nous référer à une remarque déjà faite, nous constatons que le projet a été moins original, ce qui a donné sans doute un résultat à la hauteur du projet. Nous nous en voudrions de ne pas souligner le respect constaté des deux types d’énonciation applicables au genre théâtral par le texte. Découpage en actes et en scènes, ces caractéristiques du théâtre se retrouvent fortement dans l’œuvre de l’auteur ce qui renforce sa volonté de bien faire.
Néanmoins, il y’a des erreurs qui tapent à l’œil qu’on ne devrait pas se permettre quand il s’agit d’une œuvre de l’esprit destinée à un grand public. La première a rapport avec la justification du texte. Nous en voulons particulièrement à la Maison d’Edition, qu’ils le croient ou non, cela n’a rien de personnel, de laisser passer le texte dans ces conditions. Les métiers de l’édition et de l’écriture exigent une certaine rigueur et l’œuvre semble avoir été publiée sans grand soin. On le constate clairement par les espaces énormes presque sur toutes les pages dans le livre, et quelques fautes. Même si ça arrive, ces écueils restent intolérables, surtout pour un écrivain qui sort un livre pour la première fois. Les exemples de ‘’plutard’’ et ‘’spiritualles’’ respectivement à la page 36 et 38 sont des preuves irréfutables de ce constat. Le cadre spatial est presque inconnu avec des références du milieu qui ne font pas penser à grand-chose. Les seules références culturelles et par ricochet spatiales dans le texte ont rapport avec l’onomastique à travers les personnages, encore qu’il faille comprendre la langue fon pour les détecter. Beaucoup de survols fantaisistes dans le récit. Parlant du récit, pas d’intrigue, rien de nouveau, le départ d’Amina est le quotidien de la thématique de nombreux artistes béninois de la musique populaire. N’importe qui s’attendra à ce résultat comme dans les chansons de Gbèzé, Allèvi, Nikanor, Zomandokokpon et comme dans tout bricolage d’un nouvel artiste : la femme te quitte quand ça ne va pas. Le récit met en exergue deux histoires, pas d’histoire centrale autour de laquelle d’autres histoires parallèles pourraient gravir. La secrétaire particulière de Jean PLIYA et Le Gong a bégayé de Apollinaire AGBAZAHOU qui sont des ouvrages qui initient à la lecture des œuvres littéraires pourraient mieux aider l’auteur. Absence totale d’action dramatique avec des survols de temps et des informations nouvelles brusques et incompréhensibles. Les deux histoires sont presque toutes très fictives pour capter l’attention du lecteur, très banales et parfois très naïves. La première histoire : Vidaho, abandonnant la classe quitta ses parents pour aller se mettre en couple avec Amina qui le quitta ensuite pour des raisons de pauvreté. Avec regret, Vidaho revient vers ses parents, qui comprirent. Vidaho avec un nouvel engagement reprend les salles et obtient son baccalauréat ; nous dirons facilement que la pièce n’a pas forcement une visée esthétique ou littéraire et qu’elle serait destinée à un public d’enfants. Cela mélangé avec un peu d’humour auxquels les acteurs feront appel, connaitra un grand succès en tant que théâtre de jeunesse. Il suffira juste d’augmenter un peu l’intensité de l’action dramatique à ce niveau. La seconde histoire : Dokounnon ayant pour fils unique Vidaho (on peut facilement remplacer le personnage par un autre, l’histoire aurait toujours son sens, ce qui ne devrait pas être normalement le cas dans du théâtre cf schéma actanciel), va jeter un sort à sa femme (Yabo pourrait être un autre personnage) pour épouser une autre femme dans le but d’avoir de nouveaux enfants parce que sa femme se retrouve dans l’incapacité de lui donner de nouveaux enfants. L’histoire est très fictive et hors du commun (dans le cadre du genre), ça semble même illogique. On se demande laquelle des fonctions principales du livre du genre théâtral celui-ci veut vraiment remplir : divertir ? Ça n’a pas eu l’air… moraliser ? Aucune des histoires ne s’est offert ce luxe. Pédagogique ? ou peut-être dénoncer ? Mais quoi ? Restons modestes de notre point de vue.
Le titre, nous vous expliquons facilement pourquoi l’auteur aurait donné ce titre à son ouvrage. Cela se justifie à deux niveaux du texte du livre. Le premier, nous sommes à la fin de la première histoire du récit, suite au départ de Amina, Vidaho de retour chez ses parents en s’expliquant va glisser « Elle m’a quitté ». Le deuxième niveau, c’est après la mort de sa maman, un « Elle m’a quitté » s’est glissé aussi. L’auteur semble n’avoir fait aucun effort dans le processus d’attribution d’un titre à son œuvre, et cet effort s’est senti dans chaque phrase des personnages du texte. L’auteur ne semble pas écrire à un lectorat qui aime lire, découvrir de nouveaux vocabulaires ou des jeux de mots plaisants. Stylistique absente, pas de rhétorique, la narration ennuyante. Tout le texte semble ne pas avoir été écrit par un être humain, avec ses émotions et ses volontés de toucher le lecteur, de le faire vibrer. Tout porte à croire que c’est une machine qui a produit ce texte. Très fade et sobre. On dirait l’une des productions de l’Intelligence artificielle même si on ne peut se permettre de l’affirmer puisque ce serait sous-estimer la force de l’IA quand on sait que « Rie Kudan, lauréate du plus prestigieux prix littéraire japonais, a expliqué qu’environ 5 % de son roman futuriste avait été écrit par le logiciel d’intelligence artificielle générative ChatGPT, estimant que celui-ci l’avait aidée à libérer son potentiel créatif. » Sud Ouest FR. Ulrich Goubali aurait-il fait appel à cet outil sans être frugal et organisé ?
L’auteur du texte a fait de grands efforts en produisant ce livre. Toutefois, les ratées font montre d’une présence insupportable. Cela se justifie par les nombreuses insuffisances que notre analyse a su souligner. Comme cette analyse d’ailleurs, aucune œuvre humaine n’est parfaite, et nous espérons que l’auteur considérant cet état des choses, prendra les dispositions les plus rigoureuses pour parfaire ces prochaines productions. Nous invitons la maison d’édition aussi à attacher du prix à la justification du texte, qui avec son absence, dénote un manque de sérieux énorme et pour la maison, et pour l’auteur. C’est la moindre des choses. On suppose que c’est une erreur, et que l’errare humanum est, mais perseverare diabolicum.
Brice AHOSSA,
Etudiant en Master 1 Lettres Recherche et Métiers de l'écriture à l’Université Pasquale Paoli
Auteur et amoureux des Lettres et de la Recherche
La prolifération des prix littéraires : Une dérive élitaire ?
Les prix littéraires ont toujours été des instruments prestigieux pour récompenser et promouvoir les talents émergents et confirmés dans le monde de la littérature. Cependant, ces dernières années, nous assistons à une prolifération de ces prix, accompagnée d'une dérive inquiétante : la création de groupuscules et de cercles d'influence qui remettent en question l'authenticité et la légitimité de ces distinctions.
Une multiplication galopante inquiétante avec des groupuscules à influence sournoise...
Les prix littéraires se multiplient à un rythme effréné. Chaque nouvelle rentrée littéraire voit apparaître de nouveaux trophées, souvent créés par des organisations ou des individus désireux de marquer leur empreinte dans le paysage littéraire. Bien que cette multiplication puisse sembler bénéfique en apparence, car elle donne plus d'opportunités aux écrivains de se faire connaître, elle pose également plusieurs problèmes. Derrière nombre de ces prix, se cachent des groupuscules et des cercles d'influence qui contrôlent de manière subtile, voire insidieuse, le processus de sélection et de remise des prix. Ces petits groupes, souvent composés d'éditeurs, de critiques littéraires et d'auteurs, exercent une influence disproportionnée sur les résultats des concours. Ils favorisent souvent des œuvres et des auteurs qui appartiennent à leur cercle ou qui répondent à des critères subjectifs et biaisés.
Cette situation crée une forme de népotisme littéraire, où le mérite et la qualité des œuvres passent au second plan, supplantés par des considérations d'appartenance et de réseautage. Les auteurs indépendants ou ceux qui ne font pas partie de ces cercles influents se retrouvent souvent marginalisés, malgré la qualité de leurs écrits.
La conséquence négative sur la créativité et la diversité
Cet état des choses a un impact néfaste sur la créativité et la diversité dans le monde littéraire. Les auteurs peuvent être tentés de conformer leur écriture aux attentes et aux goûts des cercles influents, au détriment de leur propre voix et de leur originalité. Cela mène à une homogénéisation de la production littéraire, où les œuvres les plus conformistes et les plus consensuelles sont privilégiées. De plus, les auteurs provenant de milieux sociaux et culturels moins favorisés, ou ceux qui traitent de thèmes marginaux ou controversés, se retrouvent souvent exclus des radars de ces prix, et cela réduit ainsi la richesse et la diversité de la littérature contemporaine.
Urgence de repenser les prix littéraires
Il est crucial de repenser notre approche des prix littéraires pour garantir qu'ils restent des vecteurs de reconnaissance authentique et méritée. Cela passe par une plus grande transparence dans les processus de sélection, une diversification des jurys, et une ouverture aux œuvres et aux auteurs qui sortent des sentiers battus. Les prix littéraires doivent revenir à leur essence : récompenser l'excellence littéraire, encourager la créativité et promouvoir la diversité. Sans cela, ils risquent de devenir des instruments de pouvoir et d'influence, déconnectés des réalités et des aspirations du monde littéraire. Il est impératif d'adopter des mesures pour garantir que ces prix restent fidèles à leur mission première : célébrer la littérature sous toutes ses formes et donner une voix à tous les talents, quels que soient leurs horizons.
Brice AHOSSA